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L'ASFFQ 1995

 

Sans que cela saute aux yeux de prime abord, la production de l’année 1995 marque un changement de paradigme dans l’histoire récente de la science-fiction et du fantastique au Québec. Le nombre de romans atteint cette année-là un sommet avec 46 titres, répartis presque également entre la SF (21) et le fantastique (23), les deux autres relevant de la fantasy. C’est au milieu des années 1990 en effet que s’amorce une transformation dans la pratique de l’écriture qui pousse les auteurs à délaisser graduellement la nouvelle pour le roman – et plus particulièrement le roman jeunesse. À ce chapitre, Médiaspaul s’impose cette année avec pas moins de 11 titres, la pré­sence de Daniel Sernine comme directeur littéraire de la collection Jeunesse-pop n’étant pas étrangère à la venue des auteurs du milieu SF & F chez cet éditeur.
Le phénomène de substitution, qui semble irréversible, est perceptible autant chez les écrivains établis que chez les auteurs débutants. Vingt ans plus tard, il est encore difficile de déterminer si le pari de courtiser les jeunes a été remporté, tant le tirage moyen des livres a diminué depuis le début du XXIe siècle. À tout le moins, le passage au récit plus long et la visibilité nouvelle procurée par le statut du livre auront permis aux auteurs de professionnaliser leur pratique.
Le revers de cette médaille, c’est la chute libre du texte bref. Il faut remonter à 1982 pour relever une si faible production nouvellistique. La diminution touche autant le fantastique que la SF, lesquels terminent l’année 1995 avec une production respective de 68 et 42 textes pour un total de 110. Rappelons qu’elle s’élevait en 1994 à 179 textes. Cette perte est surtout attribuable au fait qu’il y a eu très peu de recueils en 1995, une source d’approvisionnement généralement stable en textes fantastiques. Il faut toutefois pondérer quelque peu ces chiffres car imagine… et davantage Solaris ont privilégié la publication de longues nouvelles plutôt que des textes courts qui auraient eu pour effet de doper les statistiques comme cela s’est vu certaines années.
Le nombre de nouveaux auteurs qui font leurs premiers pas dans les genres de l’imaginaire ne varie guère d’une année à l’autre. En 1995, sur 116 auteurs qui font l’objet d’une entrée dans L’ASFFQ, 46 sont des nouveaux venus, soit 39,6 %. Cette proportion monte à 44,6 % si on exclut les auteurs qui ne comptent aucun texte inédit en 1995. Combien de ces recrues vont continuer de pratiquer l’un ou l’autre genre au-delà de cette année d’entrée ? Le taux de rétention est plutôt faible puisque vingt ans plus tard, il ressort que quinze auteurs seulement (33,6 %) ont publié au moins un texte au cours d’une année subséquente. Parmi ceux-ci, notons la contribution significative dans le futur de Bernard Boucher, Christiane Duchesne, Nadya Larouche et André Marois.
Pourtant, ceux qui ont décroché n’étaient pas tous dépourvus de talent ou de potentiel. Il est dommage, par exemple, que Guillaume Couture n’ait pas poursuivi son œuvre, ses deux romans jeunesse publiés chez un éditeur spécialisé ayant été fort bien accueillis par la critique. Pour la majorité des nouvelles plumes cependant, dont les textes ont paru dans des revues non spécialisées, l’incursion dans le fantastique ou la science-fiction n’aura été qu’un accident de parcours ou la brève manifestation d’une velléité d’écrire.
L’année 1995, c’est aussi l’année du deuxième référendum au Québec. Sans affirmer qu’il y a eu recrudescence de textes politiques pour l’occasion en science-fiction, on constate néanmoins plusieurs représentations de sociétés dystopiques qui jettent un regard critique sur notre monde. Dans Les Frincekanoks, Claude Daigneault dépeint avec une ironie mordante une société québécoise aliénée, folklorisée. Pour sa part, Francis Dupuis-Déri anticipe la montée des mouvements altermondialistes dans un Québec indépendant. Il met en scène dans Love & Rage un groupe d’activistes qui se sert de l’amour comme arme de déstabilisation sociale en commettant des attentats sexuels. On retrouve des échos de cette littérature militante aujourd’hui dans l’œuvre de Mathieu Blais et de Joël Casséus.
Si les littératures de l’imaginaire ont réussi à s’imposer au Québec au cours des années 1980 et 1990, c’est dû en bonne partie au fait qu’elles pouvaient compter sur un solide noyau d’auteurs totalement dédiés à ces genres. Ils sont là, fidèles pourvoyeurs de textes qui alimentent notre imaginaire : Natasha Beaulieu, qui continue de perfectionner son écriture et franchit une étape importante avec « La Cité de Penlocke », nouvelle à l’origine de sa série Les Cités intérieures (2000-2006) ; Alain Bergeron, sous son nom ou sous le pseudonyme de Brian Eaglenor, abordant le roman jeunesse ; Claude Bolduc, qui persiste à exposer ses antihéros ratés à des situations où le quotidien banal débouche sur l’horreur ; Joël Champetier, qui ajoute un titre pour jeunes en fantasy ; Julie Martel, dont le premier roman, Nadjal, sera suivi d’une quinzaine d’autres ; Yves Meynard, à l’imaginaire toujours aussi fécond et dont la nouvelle « Navices », écrite en collaboration avec Francine Pelletier (une autre composante du noyau dur de la SF), est selon moi la meilleure de l’année ; Esther Rochon, qui amorce de façon flamboyante le cycle des Chroniques infernales avec Lame ; Daniel Sernine, qui boucle le cycle de Neubourg et Granverger en le dotant d’une introduction (La Traversée de l’apprenti sorcier) et d’une conclusion (L’Arc-en-cercle), sans compter un recueil de nouvelles réunissant des rééditions et des inédits ; Jean-Louis Trudel, qui se démultiplie en publiant trois romans jeunesse et autant de nouvelles ; Élisabeth Vonarburg, qui livre cinq nouvelles aux tonalités différentes dont le dénominateur commun est le rapport à la langue, facteur déterminant dans la construction de l’identité de l’être humain.
Il faut ajouter à cette liste le nom de Jean-Pierre April, un des auteurs importants qui ont contribué à façonner la spécificité de la science-fiction québécoise. Les Voyages thanatologiques de Yan Malter constitue l’adieu au genre qu’il a pratiqué avec fougue en proposant un regard oblique sur la société qui nous apparaît aujourd’hui d’une lucidité remarquable.
L’année 1995 aura été tout autant une année de mutation des pratiques d’écriture qu’une année de consolidation de l’œuvre des principaux écrivains des genres de l’imaginaire au Québec. Voyez sans plus tarder la radiographie du corpus québécois, un corpus protéiforme, réfléchi, étonnant, inquiétant…

Claude Janelle

ASFFQ95

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