Genèse...

 

Les structures

À l'origine, mon idée était d'écrire les six livres avec une structure semblable ; or, elle est chaque fois différente. Le plan de Lame est un peu bizarre, avec les confidences de Roxanne au milieu (qui seront développées, en quelque sorte, par la relation de Lame à Montréal dans Or). Aboli est élégant dans sa structure simple, vu uniquement du point de vue de Lame et sans retour en arrière. Ouverture est en deux parties, la visite des enfers et des limbes d'une part, et tout ce qui tourne autour de l'ouverture de la porte d'Arxann d'autre part. Secrets est construit comme un journal : sept jours de réminiscences. J'aborde alors une structure complexe de récit, ce que je n'avais pas fait depuis Coquillage. Avec Or, je me lance dans le récit à deux trames qui se passent en même temps; elles contrastent l'une avec l'autre. Avec Sorbier, ce qui était la deuxième trame d'Or devient la première, et ce qui était la première trame d'Or devient le commentaire de la première trame de Sorbier ; c'est donc encore une structure à deux trames, mais avec une relation presque texte-métatexte entre les deux : Lame et sa relation au poème de Baudelaire sont un commentaire sur ce qui se passe entre Rel, Haztlén et Sutherland.

Pour renforcer l'unité entre les différents tomes de la série, j'ai répété certains motifs. Par exemple, du premier livre au dernier, on rencontre des personnages qui choisissent leur nom, ou encore qui demandent à quelqu'un d'autre de les nommer. Dans Lame, Lame et Vaste se nomment mutuellement. Dans Aboli, le sbire Sarhat Taxiel reçoit son nom de Séril Daha. Dans Sorbier, l'oiseau Daxad choisit son nom, et le juge Diathrann reçoit le sien de Rel. Ceci est inspiré, de loin, de la tradition bouddhiste, où on reçoit divers noms.

Dans une optique semblable d'unité, certains éléments artistiques reviennent. Il n'y a pas seulement la statue de Haztlén et ses deux sculpteurs, Vriis et Tranag (Secrets, Or, Sorbier), mais aussi les peintures de Séril Daha, en particulier sa dernière toile, qui sert d'oracle (Aboli, Ouverture). Il y a les bijoux infernaux et l'architecture des anciens enfers (Lame, Ouverture, Or). Il y a « La Tour de Lame », panneau d'ivoire sculpté par Franz Saktius (Lame et Aboli). Il y a les chansons françaises et québécoises que connaît Lame (« La Complainte du Mandrin » dans Lame, « La Manic » dans Or et « Le rendez-vous », dans Sorbier), et puis les auteurs, de Baudelaire à Jacques Brossard en passant par l'imaginaire Sayadena, qui sont cités.
J'aime, chez Lovecraft entre autres, les références explicites à certaines oeuvres, existantes ou imaginaires. Cela donne un relief au texte, qui débouche sur autre chose et stimule la curiosité. Cela aide à s'extraire de la mode et des préoccupations contemporaines pour avoir accès à quelque chose d'intemporel, ce qui est un but avoué chez Lovecraft (voir son beau sonnet, « Background », le trentième des Fungi from Yuggoth, chez Necronomicon Press). On pourrait dire que ma manière de mentionner diverses oeuvres dans les Chroniques... vient de mon appréciation de ce que d'autres ont tiré de cet effet.


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© 2001 Éditions Alire & Esther Rochon